Paysages


Comment regarder « ce que l’on ne voit plus que dans sa mémoire » (Valéry)


J’insiste sur l’aspect répétitif obsessionnel de mes sujets de prédilection : des horizons marqués par des lignes mouillées, la steppe traitée comme un océan balayé par le vent ou recouverte d’un manteau neigeux ne laissant que quelques traces des saisons passées. C’est dans l’insistance, dans le fait de creuser encore et encore le sujet que la vision apparaît. Plus je creuse, plus je m’écarte de
l’apparence et la dépasse : et c’est ici que je m’exprime car l’image proposée s’inscrit alors dans la durée. Ce faisant, elle crée autour d’elle une atmosphère de mystère et sens où je suis d’ailleurs la première à me perdre. On peut percevoir dans mon travail des espaces de méditation au sens où j’entre en communion avec la nature. J’absorbe les lieux observés et je laisse mon corps ressentir et
imprimer. Ensuite par un lent travail de décantation et de simplification, je cherche à me souvenir de la trace qu’a laissée la chose observée pour n’en garder que la vision. C’est le temps de son apparition que je guette, de cette dilatation qui m’emmènera vers un ailleurs où travail pourra alors commencer.
La peinture propose au peintre un chemin de mystères. Il n’est plus question de raisonner. La nature lui envoie des signes qu’il doit déchiffrer et reproduire sur la toile dans la solitude de l’atelier.
Seuls au bout du ciel, un fragment de plage, un bout de plage permettent de situer le sujet ; ou est à la limite de l’abstraction pour que demeure le mystère des formes.
La neige recouvrant ces formes permet cette distanciation créatrice d’un paysage mémorisé, rêvé où chacun peut cheminer au gré de ses émotions. Le spectateur est projeté dans un temps suspendu entre mémoire vive et présent affirmé.
L’art n’en aura jamais fini avec le chant du monde, avec l’admiration de la nature et de son éloge.
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